Je suis crédité de l'informatique pour le pilote de la série Ulysse 31.
Je travaillais, à l'époque, au Commissariat à l'énergie Atomique, Département des Applications Militaires.
Il avait toutefois l'avantage inestimable de posséder les meilleurs ordinateurs de l'époque,
me permettant ainsi de faires des recherche dans le domaine de l'image de synthèse 2D et 3D qui me passionnait.
J'avais ainsi développé un logiciel 3D : DAAO-3D (Dessin Animé Assisté par Ordinateur en 3 Dimensions)
La société DIC dirigée par Jean Chalopin qui avait en projet la série Ulysse 31 souhaitait (c'était méritoire) utiliser partiellement les nouvelle techniques de synthèse d'image.
Après étude du projet avec René Borg, le réalisateur de la série, nous avons compris que les moyens techniques du moment permettaient de dessiner un vaisseau spatial de forme simple mais animé de beaux mouvements dans l'espace.
J'ai fait quelques essais qui ont convaincu DIC et René Borg.
Quels étaient les moyens techniques de l'époque ?
- un outil de mise au point des mouvements
- un outil pour tracer des dessins
Mise au point des mouvements
Nous avions la chance de disposer d'un enregistreur de micro films sur film 35mm : Stromberg-Carlson SC4020
Destinée principalement à l'archivage de microfilms, cette machine pouvait aussi créer des images simples :
On pouvait la programmer pour tracer des segments droits d'un point à un autre sur une grille de 1024x1024 positions.
En trait blanc sur fond noir.
Non prévue pour le cinéma, la caméra manquait de stabilité et ne pouvait servir que pour des tests.
Une difficulté de ma tache était que René Borg voulait que le vaisseau arrive rapidement vers nous,
mais qu'il passe lentement près de nous pour être plus impressionnant
(il imitait le bruit du vaisseau pffffffff...), sans que le spectateur constate un ralentissement du vaisseau.
J'ai résolu le problème en utilisant une échelle logarithmique pour l'éloignement, sans trop déformer le tore.
Tracé des dessins
Le seul outil de dessin ayant une qualité acceptable pour le cinéma était le traceur à plume sur papier.
Nous utilisions des traceurs de la marque française BENSON située à Crétail, près de mon lieu de travail.
(C'était l'équivalent de la marque américaine Calcomp, plus connue.)
L'organisme pour laquel je travaillais (CEA/DAM) n'avait pas pour vocation la fabrication de dessisn animés. Loin de là.
Aussi tout le travail commercial officiel a-t-il était effectué par une filliale commeriale du CEA civil : la société CISI.
Le principe est simple : une plume (genre stylo à bille) trace, comme à la main, une ligne sur le papier.
A peu près à la même vitesse (à l'époque) mais avec une grande précision.
En plus de la plume d'encre noire, certains modèles pouvaient avoir un barillet de plusieurs couleurs (rouge, vert, bleu par exemple)
Une seule épaisseur de trait.
Pour faire une surface colorée, un aplat, il fallait calculer et tracer des hachures jointives.
Le résultat n'était pas très beau, l'encre détrempant rapidement le papier.
Un film utilise 24 images par seconde de film. Par économie les images sont souvent dédoublées en dessin animé, réduisant le travail à 12 dessins par seconde.
La méthode retenue a été :
- de tracer tous les dessins sur papier avec les traceurs BENSON.
- le traceur utilisant du papier en rouleau d'environ un mètre de large,
il fallu découper ces rouleaux au format des cels du dessin animé traditionnel.
- ensuite transferrer, par photocopie, chaque dessin sur une feuille de Rhodoïd pour pouvoir le gouacher (peindre).
- enfin filmer le tout image par image comme un dessin animé classique.
Un essai complet a été fait du vaisseau spatial selon cette méthode :
Les partenaires japonais de DIC ont rejeté la méthode, et René Borg s'est retiré de la réalisation du film.
A mon avis la tentative était trop précoce.
- le style d'image épurée (ou pauvre diront cetains) ne pouvait s'intégrer aux décors japonais.
- la purété des mouvements mathématiques du vaisseau ne s'intégrait pas non plus à l'animation "dessins secoués" (selon l'expression de René Borg) de l'animation japonaise de l'époque.
Il a fallu l'arrivée des images bitmap (à base de pixels) de haute définition pour réconcilier les deux.
Mais beaucoup plus tard.
La forme du vaisseau spatial : un tore mathématique a été critiquée (donut, pneu).
Le tore est une bonne solution pour un vaisseau spatial de grande taille.
En le faisant tourner sur lui même, la force centrifuge crée une gravité artificielle nettement plus confortable pour les occupants humains quel'appesanteur des minuscules stations spatiales actuelles.
(Le film "2001,l'odyssée de l'espace" utilise un tel tore)
